Abscisses et ordonnées
par Pierre Fresnault-Deruelle
BIOGRAPHIE
PAR LE MêME AUTEUR
Un ukiyo-é occidental
Cet inaudible cri qui nous assaille
Préséances
Le cubo-futurisme jazzy de Demuth
L’esprit des salons
L'embrasure fait le spectacle
Un balcon sur la mer
La cécité d’Holopherne
Lamento
Contrepoint
Photographie peinte
Une vaste salle d’attente
Une impassabilité de façade
Le grand absent
Cette jambe qui dépasse
Un éloge en forme d’ "icone"
Le gandin mélancolique
La couleur du temps
La diagonale
L’instant qui conte
Pas la vue, la vision : l’entrevision même
La laideur n’est pas inéluctable
Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même
L'immobile intranquillité de Jésus
Bacchanales
La conjoncture, forme supérieure de la conjonction
L'oeil du diadème
Du physique au méta-physique
La Loire
La barque bien menée
La réinvention de Gradiva
Le bout du monde
L’ange, comme en retrait
Le spectacle est aussi dans la salle
D’impassibles machines
Le surréalisme souriant de René Rimbert
La pesanteur et la grâce
Chambre avec vue sur rien
Surprise
Le bout du monde
Le testament d'Orphée
Ligéria ou le lit du fleuve
Soleil noir
Algorithme
Basse tension
Un tableau vivant
2500 ans avant le cinéma
La lune décrochée
La pesanteur et la grâce
Une bien profane icône
Une carte postale avant la lettre
Austère et jubilatoire
Le noeud rose
Entre-deux
Le mille-têtes
Le livre qui tombe
L'étendue du désastre
Abscisses et ordonnées
par Pierre Fresnault-Deruelle
Les Sous-sols du Révolu de Marc Antoine Mathieu est une visite inattendue du Louvre (dont l’anagramme est le Révolu), ou plutôt de ses caves auxquelles l’auteur a donné d’extraordinaires extensions. Les planches, carrées, de l’auteur, uniques en leur genre, sont des zones d’exploration où les personnages sont autant archéologues-fouineurs que fouilleurs-cadastreurs.
Le chapitre intitulé Les Archives (Cinq mille huit cent neuvième jour) nous dévoile un monde où règnent les protocoles de la rationalité la plus insensée. Les planches des pages 38 et 39, qui matérialisent un gigantesque placard, sont divisées chacune en trois cases en hauteur, entièrement tapissées de casiers métalliques, distribués en diverses sections (legs, dons, donations, dations, mécénats, etc.), le long desquelles évoluent, dans le plus improbable des équipages, les héros, impavides, juchés sur une échelle à roulettes, elle même guidée par des rails. Le dispositif de Mathieu, qui rappelle les découpages-montages de Winsor McCay, s’en sépare pourtant dans la mesure où le déplacement des protagonistes reste leur prérogative alors que chez l’auteur deLittle Nemo in Slumberland les héros, passifs, assistent aux métamorphoses du décor.
Le format carré de notre planche, où l’invariabilité des cases est couplée à la variabilité des cadrages, atteint à l’idéale systématicité des diagrammes. Au bas de l’échelle le conservateur (qui impulse le mouvement à la machine mobile) a d’ailleurs cette phrase : « je vous épargnerai la visite des coulisses du service de l’inventaire : c’est encore plus ennuyeux ». Admirable remarque qui évoque à la fois la coulisse d’un théâtre et le coulissage d’un trombone, sans parler de la monotonie, voire l’ennui, de ce service réservé au classement et dont le parcours nous parle, à mi-mots, de la bande dessinée même : celle-ci n’est-elle pas l’art de faire évoluer fixement des figures sur fond de décors compartimentés ?
Auteur : Pierre Fresnault-Deruelle