Your browser does not support JavaScript!
Logo Mucri
↑
Faire une recherche dans le site Mucri
Logo Mucri
  • Accueil
  • À propos
  • Contribuer

Préséances

par Pierre Fresnault-Deruelle

Préséances
  • Titre de l'oeuvre: Les Deux Carrosses
  • Artiste: Claude Gillot
  • Date: 1707
  • Type: huile sur toile
  • Dimension: 127 x 160 cm
  • Localisation: musée du Louvre - Paris
  • Crédit de l'image: ©Musée du Louvre/A. Dequier - M. Bard RMN

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

PAR LE MêME AUTEUR

Un ukiyo-é occidental

Cet inaudible cri qui nous assaille

Le cubo-futurisme jazzy de Demuth

L’esprit des salons

L'embrasure fait le spectacle

Un balcon sur la mer

La cécité d’Holopherne

Lamento

Contrepoint

Photographie peinte

Une vaste salle d’attente

Une impassabilité de façade

Le grand absent

Cette jambe qui dépasse

Un éloge en forme d’ "icone"

Le gandin mélancolique

La couleur du temps

La diagonale

L’instant qui conte

Pas la vue, la vision : l’entrevision même

La laideur n’est pas inéluctable

Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même

L'immobile intranquillité de Jésus

Bacchanales

La conjoncture, forme supérieure de la conjonction

L'oeil du diadème

Du physique au méta-physique

La Loire

La barque bien menée

La réinvention de Gradiva

Le bout du monde

L’ange, comme en retrait

Le spectacle est aussi dans la salle

D’impassibles machines

Le surréalisme souriant de René Rimbert

La pesanteur et la grâce

Chambre avec vue sur rien

Surprise

Abscisses et ordonnées

Le bout du monde

Le testament d'Orphée

Ligéria ou le lit du fleuve

Soleil noir

Algorithme

Basse tension

Un tableau vivant

2500 ans avant le cinéma

La lune décrochée

La pesanteur et la grâce

Une bien profane icône

Une carte postale avant la lettre

Austère et jubilatoire

Le noeud rose

Entre-deux

Le mille-têtes

Le livre qui tombe

L'étendue du désastre

Préséances

par Pierre Fresnault-Deruelle


Dans un ouvrage consacré au théâtre de son temps, Gherardi parle d’une pièce intitulée La Foire de Saint-Germain. Il s’agit d’une comédie de Regnard et Dufresny au cours de laquelle se déroule une scène burlesque sur les embarras de Paris. Gherardi explique l’origine de cette action récréative, ajoutée in extremis à l’intrigue principale et puisée dans l’actualité de l’époque : « Ce qui donna lieu à cette scène, fut que deux femmes, chacune dans son carrosse, s’étant rencontrées dans une petite rue de Paris, trop étroite pour donner place à deux carrosses de front, ne voulurent reculer ni l’une ni l’autre, et ne cessèrent point d’obstruer la rue jusqu’à l’arrivée du commissaire, qui, pour les mettre d’accord, les fit reculer toutes les deux en même temps, chacune de son costé ». Cette situation-farce, décrite par Gherardi, offrait à Gillot les constituants d’un véritable morceau de peinture.

Les enjeux de la composition picturale s’exposent ici on ne peut plus plaisamment. Alberti disait en substance que pour atteindre à l’historial’image peinte devait se présenter de telle sorte que sa construction puisse fonder plastiquement la narration visée par l’artiste. Comme il se trouve que chacun des deux groupes de personnages mis en scène par Regnard refuse de céder sa place à l’autre, cette question de la composition se cristallise dans un conflit haut en couleurs. La hargne des serviteurs, prêts à en découdre, « relayée » par les « débordements » tant vestimentaires que gestuels des femmesjaillies de leur « vinaigrette » est, en outre, un prétexte bouffon pour sacrifier aux lois de la symétrie. Dans ce décor à l’italienne où les brancards des carrosses viennent matérialiser la ligne d’une quasi-balustrade, les valets se sont arrêtés à l’extrême bord du lieu qui fait litige : le centre de la toile (la verticale de l’immeuble du fond passe entre leurs tricornes). Avec cette querelle de préséances, Gillot nous parle d’abord d’équilibre (ou de déséquilibre …) des masses et d’agencement des parties.

On sait ce que la symétrie poussée à son maximum peut avoir de rebutant : hormis l’architecture ou l’art des jardins en regard desquels le corps du spectateur s’éprouve dans un prolongement qui « l’édifie », une image trop rigoureusement « balancée » assigne le regard à l’espace clos de son propre enfermement. Gillot sait cela (son représentant symbolique est le magistrat), qui brosse l’image de ces personnages bien décidés à ne pas partager le même territoire, et qui pour cette raison, se condamnent mutuellement à la paralysie. Pourtant, les dérogations à ce qui pourrait être une structure en miroir, vaine et statique, font des Deux Carrosses une ordonnance agréablement contrariée.

Le renchérissement « baroque » des maîtresses qui, au-delà des valets (à la raideur toute classique) s’agitent grotesquement, illustre ce jeu de la liberté prise avec la Règle. Gillot, que son métier de décorateur n’a jamais quitté, tient là une véritable aubaine. Ces grandes dames, qui en sont réduites à déployer les signes hyperboliques de leur importance supposée, introduisent la part de désordre qui convient dans ce face-à-face aussi drôlement tendu qu’insensé. L’invraisemblable « fontange » de la femme de droite, qui fuse telle une poussée de « colère graphique », est exemplaire à ce sujet.

Watteau n’est pas loin qui a mené Gillot à faire de la pièce de Regnard et Dufresny un prétexte à peindre. L’on ne saurait, cependant, se contenter de cette remarque : alors que la scénographie « informe » la peinture depuis deux siècles, le théâtre en tant que tel vient de faire son apparition comme sujet du tableau. Si l’on admet qu’au XVIIIe siècle l’art a commencé de se prendre pour son propre objet, Les Deux Carrosses, qui théâtralise jusqu’à la caricature l’historia, se présente comme une oeuvre véritablement symptomatique.

Auteur : Pierre Fresnault-Deruelle

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

PAR LE MêME AUTEUR

Un ukiyo-é occidental

Cet inaudible cri qui nous assaille

Le cubo-futurisme jazzy de Demuth

L’esprit des salons

L'embrasure fait le spectacle

Un balcon sur la mer

La cécité d’Holopherne

Lamento

Contrepoint

Photographie peinte

Une vaste salle d’attente

Une impassabilité de façade

Le grand absent

Cette jambe qui dépasse

Un éloge en forme d’ "icone"

Le gandin mélancolique

La couleur du temps

La diagonale

L’instant qui conte

Pas la vue, la vision : l’entrevision même

La laideur n’est pas inéluctable

Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même

L'immobile intranquillité de Jésus

Bacchanales

La conjoncture, forme supérieure de la conjonction

L'oeil du diadème

Du physique au méta-physique

La Loire

La barque bien menée

La réinvention de Gradiva

Le bout du monde

L’ange, comme en retrait

Le spectacle est aussi dans la salle

D’impassibles machines

Le surréalisme souriant de René Rimbert

La pesanteur et la grâce

Chambre avec vue sur rien

Surprise

Abscisses et ordonnées

Le bout du monde

Le testament d'Orphée

Ligéria ou le lit du fleuve

Soleil noir

Algorithme

Basse tension

Un tableau vivant

2500 ans avant le cinéma

La lune décrochée

La pesanteur et la grâce

Une bien profane icône

Une carte postale avant la lettre

Austère et jubilatoire

Le noeud rose

Entre-deux

Le mille-têtes

Le livre qui tombe

L'étendue du désastre

ARTICLES CONNEXES

Entre-deux

Le noeud rose

La pesanteur et la grâce

Un tableau vivant

L’image, c’est moi

Le spectacle est aussi dans la salle

Un quasi-décor de décors

L’ange, comme en retrait

Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même

L’instant qui conte

En amour, comme en art

La diagonale

La couleur du temps

L’esprit des salons

Le gandin mélancolique

La colombe et les ténèbres

Un éloge en forme d’ « icone »

L’énigmatique Brutus

La parole en peinture

Cette jambe qui dépasse

MUCRI

Université Paris 1, UFR 04,
53 rue des Bergers,
75015 Paris
Plan du site

  • Plan du site
  • Mentions légales
  • Crédits
  • Univ. Paris 1
  • MMI