Your browser does not support JavaScript!
Logo Mucri
↑
Faire une recherche dans le site Mucri
Logo Mucri
  • Accueil
  • À propos
  • Contribuer

L’esprit des salons

par Pierre Fresnault-Deruelle

L’esprit des salons
  • Titre de l'oeuvre: Autoportrait
  • Artiste: Jean-Baptiste Perronneau
  • Date: 1750
  • Type: Huile sur toile
  • Dimension: 54 x 45 cm
  • Localisation: Musée des Beaux-Arts - Tours
  • Crédit de l'image: ©MBA Tours, cliché Marc Jeanneteau

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

PAR LE MêME AUTEUR

Un ukiyo-é occidental

Cet inaudible cri qui nous assaille

Préséances

Le cubo-futurisme jazzy de Demuth

L'embrasure fait le spectacle

Un balcon sur la mer

La cécité d’Holopherne

Lamento

Contrepoint

Photographie peinte

Une vaste salle d’attente

Une impassabilité de façade

Le grand absent

Cette jambe qui dépasse

Un éloge en forme d’ "icone"

Le gandin mélancolique

La couleur du temps

La diagonale

L’instant qui conte

Pas la vue, la vision : l’entrevision même

La laideur n’est pas inéluctable

Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même

L'immobile intranquillité de Jésus

Bacchanales

La conjoncture, forme supérieure de la conjonction

L'oeil du diadème

Du physique au méta-physique

La Loire

La barque bien menée

La réinvention de Gradiva

Le bout du monde

L’ange, comme en retrait

Le spectacle est aussi dans la salle

D’impassibles machines

Le surréalisme souriant de René Rimbert

La pesanteur et la grâce

Chambre avec vue sur rien

Surprise

Abscisses et ordonnées

Le bout du monde

Le testament d'Orphée

Ligéria ou le lit du fleuve

Soleil noir

Algorithme

Basse tension

Un tableau vivant

2500 ans avant le cinéma

La lune décrochée

La pesanteur et la grâce

Une bien profane icône

Une carte postale avant la lettre

Austère et jubilatoire

Le noeud rose

Entre-deux

Le mille-têtes

Le livre qui tombe

L'étendue du désastre

L’esprit des salons

par Pierre Fresnault-Deruelle


Jean-Baptiste Perronneau a environ trente ans. Il n’est plus à la fleur de l’âge et pas encore dans la force de ce dernier. De fait, la maturité qui déjà se lit sur son visage n’a pas tout à fait chassé ce besoin d’affirmation qu’affichent volontiers les jeunes gens. Bref, Perronneau arbore cet air « d’énergie avisée » que nous prêtons volontiers aux premiers rôles masculins du théâtre de Marivaux par exemple.

A la différence du portrait classique qui n’a d’autre fin que d’exhausser le rang du personnage représenté, celui que Perronneau réalise de sa propre personne offre l’image de qui s’est d’abord soucié d’apparaître en tant qu’individu. Au reste, à l’époque où l’artiste peint cette toile, ce dernier n’en est qu’à ses débuts ; et quand bien même en aurait-il eu le désir, Jean-Baptiste n’a pas encore les moyens de son ambition : faire en sorte que son effigie établisse d’emblée sa vérité morale de peintre. Prudent, il a d’ailleurs pris soin d’éliminer tout détail qui symbolise son statut d’artiste. Il est vrai que, portraitiste, Perronneau ne pouvait faire guère mieux que de s’exposer de la sorte ! Avec cette auto-représentation, l’homme atteste, en effet, d’un savoir-faire hors du commun puisque nous savons que pour se peindre l’artiste ne pouvait qu’en « passer par le stade du miroir », se transformant ainsi en objet. Or, c’est un sujet en situation -un quasi-tiers- que nous offre Perronneau. Quelle distanciation !

Rien qui ne participe de « l’état » dans lequel se tiennent les « grands » ou les gens arrivés, et qui, soucieux de maintenir leur prérogatives, campent en ce lieu où nul ne semble pouvoir les atteindre. A l’instar d’un Quentin de la Tour (son rival), Perronneau a voulu, au contraire, rompre avec le décorum pour installer son alter ego au « plus près ». Brossé sur un format modeste et selon un cadrage serré, l’artiste, certes, n’est pas allé jusqu’à faire crever l’écra à ce double qui nous tient tête ; en revanche, le maintien de l’homme et son regard droit (différent de celui des portraits à l’inexpressivité affectée), font de Jean-Baptiste un personnage littéralement effronté.

La répartie (celle qu’on fait saillir, à défaut d’extraire la vérité d’une situation) affleure, à n’en pas douter, sur ces lèvres gourmandes. Quant aux yeux ils seraient presque rieurs n’était le reste du visage empreint d’un soupçon de mélancolie. Mais, l’observation attentive oblige à dire que la complexité de l’effet produit par ce visage repose au premier chef sur l’assymétrie de ce dernier. De sorte qu’à bonne distance du tableau, là où se marient les différences et les contrastes (notamment les valeurs ombrées du côté droit et les valeurs claires du côté gauche), le spectateur se trouve confronté à un personnage dont la discrète jovialité ne serait, in fine, que le déni d’une amertume secrète. En un mot, le peintre se serait capté dans le vif d’une présentation où, sans trop d’ostentation, l’assurance de plaire ne l’emporte pas encore sur ce que l’homme laisse, déjà, percer de désabusement. Trait psychologique ou symptôme d’époque ? Tandis que les Lumières commençaient de se répandre, le scepticisme qui en constituait l’un des fondements, ne pouvait pas ne pas marquer les consciences. D’où, peut-être, cette discrète faille de l’être que nous croyons percevoir chez l’homme qui s’est évidemment disposé à faire bonne figure.

Pour l’heure, et apparemment en pleine possession de ses moyens, Jean-Baptiste, est heureux de poser, de s’imposer même, tant il est vrai que le travail de la brosse, partout repérable sur la toile, nous conforte dans l’idée que ce portrait est littéralement enlevé: alacrité du métier qui viendrait, et comme naturellement, se mettre au service de l’enjouement du personnage (le jabot de dentelle qui bouillonne sous le tour de cou de linon blanc serait ici l’emblème de cette effervescence). L’intelligence si particulière qui rayonne de ce visage nous donne le sentiment de nous trouver face à face avec l’un de ces hommes d’Ancien Régime pour qui les salons, débarrassés des servitudes de la vie sociale, permettaient les plaisirs de la vie en société.

Auteur : Pierre Fresnault-Deruelle

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

PAR LE MêME AUTEUR

Un ukiyo-é occidental

Cet inaudible cri qui nous assaille

Préséances

Le cubo-futurisme jazzy de Demuth

L'embrasure fait le spectacle

Un balcon sur la mer

La cécité d’Holopherne

Lamento

Contrepoint

Photographie peinte

Une vaste salle d’attente

Une impassabilité de façade

Le grand absent

Cette jambe qui dépasse

Un éloge en forme d’ "icone"

Le gandin mélancolique

La couleur du temps

La diagonale

L’instant qui conte

Pas la vue, la vision : l’entrevision même

La laideur n’est pas inéluctable

Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même

L'immobile intranquillité de Jésus

Bacchanales

La conjoncture, forme supérieure de la conjonction

L'oeil du diadème

Du physique au méta-physique

La Loire

La barque bien menée

La réinvention de Gradiva

Le bout du monde

L’ange, comme en retrait

Le spectacle est aussi dans la salle

D’impassibles machines

Le surréalisme souriant de René Rimbert

La pesanteur et la grâce

Chambre avec vue sur rien

Surprise

Abscisses et ordonnées

Le bout du monde

Le testament d'Orphée

Ligéria ou le lit du fleuve

Soleil noir

Algorithme

Basse tension

Un tableau vivant

2500 ans avant le cinéma

La lune décrochée

La pesanteur et la grâce

Une bien profane icône

Une carte postale avant la lettre

Austère et jubilatoire

Le noeud rose

Entre-deux

Le mille-têtes

Le livre qui tombe

L'étendue du désastre

ARTICLES CONNEXES

Entre-deux

Le noeud rose

La pesanteur et la grâce

Un tableau vivant

L’image, c’est moi

Le spectacle est aussi dans la salle

Un quasi-décor de décors

L’ange, comme en retrait

Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même

L’instant qui conte

En amour, comme en art

La diagonale

La couleur du temps

L’esprit des salons

Le gandin mélancolique

La colombe et les ténèbres

Un éloge en forme d’ « icone »

L’énigmatique Brutus

La parole en peinture

Cette jambe qui dépasse

MUCRI

Université Paris 1, UFR 04,
53 rue des Bergers,
75015 Paris
Plan du site

  • Plan du site
  • Mentions légales
  • Crédits
  • Univ. Paris 1
  • MMI