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L’ange, comme en retrait

par Pierre Fresnault-Deruelle

L’ange, comme en retrait
  • Titre de l'oeuvre: Agar et l’ange
  • Artiste: Pierre Peyron
  • Date: 1780
  • Type: Huile sur toile
  • Dimension: 55 x 38 cm
  • Localisation: Musée des Beaux-Arts - Tours
  • Crédit de l'image: © MBA Tours, cliché Patrick Boyer

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

PAR LE MêME AUTEUR

Un ukiyo-é occidental

Cet inaudible cri qui nous assaille

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Le cubo-futurisme jazzy de Demuth

L’esprit des salons

L'embrasure fait le spectacle

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Un éloge en forme d’ "icone"

Le gandin mélancolique

La couleur du temps

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L’instant qui conte

Pas la vue, la vision : l’entrevision même

La laideur n’est pas inéluctable

Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même

L'immobile intranquillité de Jésus

Bacchanales

La conjoncture, forme supérieure de la conjonction

L'oeil du diadème

Du physique au méta-physique

La Loire

La barque bien menée

La réinvention de Gradiva

Le bout du monde

Le spectacle est aussi dans la salle

D’impassibles machines

Le surréalisme souriant de René Rimbert

La pesanteur et la grâce

Chambre avec vue sur rien

Surprise

Abscisses et ordonnées

Le bout du monde

Le testament d'Orphée

Ligéria ou le lit du fleuve

Soleil noir

Algorithme

Basse tension

Un tableau vivant

2500 ans avant le cinéma

La lune décrochée

La pesanteur et la grâce

Une bien profane icône

Une carte postale avant la lettre

Austère et jubilatoire

Le noeud rose

Entre-deux

Le mille-têtes

Le livre qui tombe

L'étendue du désastre

L’ange, comme en retrait

par Pierre Fresnault-Deruelle


Le premier livre de l’Ancien Testament nous conte que Sara, stérile, laisse Abraham connaître Agar, leur servante. De cette union naît Ismaël. Sara, toutefois, ne le supporte pas, qui enjoint à son époux de chasser Agar et son fils. Les deux infortunés fuient dans le désert, bientôt torturés par la soif. Sur la toile de Peyron, Agar qu’un restant de force maintient debout, s’est détournée de l’enfant qu’elle ne veut pas voir mourir. C’est alors que l’Ange du Seigneur apparaît, en même temps qu’aux pieds de la femme une source, soudain, se révèle (source qu’on devine à peine), et à l’eau de laquelle Agar et Ismaël vont pouvoir se désaltérer.

Le nocturnisme de la scène (que renforce l’étrange éclairement d’Agar), fait de l’Ange un personnage dont nous ne savons pas très bien s’il s’agit d’un être matérialisé pour les besoins de la cause ou d’une vision, d’une « parution » ou d’une apparition. De même, note-t-on que si l’Ange semble bien poser sa main sur le bras gauche d’Agar, force est, aussi, d’admettre que l’attouchement reste malgré tout incertain. Bref, la nature de l’espacement entre les personnages est décidément problématique. Est-ce à dire que la question du rapport à la divinité, et plus particulièrement son traitement dans le cadre de la scénographie classique a commencé d’entrer en crise ? Le fantastique, qui s’épanouira au XIXe s, s’annonce discrètement dans cette toile, où le peintre paraît ne plus assumer franchement la cohabitation entre des entités (un humain, un ange) que tout sépare.

A bien des égards, la place de l’Ange dans l’espace de la représentation nous semble tout à fait symptomatique. Peyron, qui a voulu que l’Envoyé de Dieu soit à la fois situé derrière Agar et en position surplombante, nous suggère ainsi que l’intervention du personnage ailé est à comprendre aux moins de deux manières. D’une part, l’Ange est bel et bien l’instrument de Dieu, dont la discrète bonté guide « insensiblement » Agar vers la source qu’on a dite. De ce point de vue, la Providence ne saurait mieux se dire. A cette figuration se superpose, d’autre part, une image un rien plus trouble. On veut dire qu’en se manifestant de la sorte, l’Ange a pour nous sinon un faux air de « revenant » (il arrive du fond sans crier gare), du moins l’allure d’une puissance tutélaire dont l’aérienne arrivée a, quoi qu’on en ait, à voir avec le crépuscule. A nouveau, les avant-courriers du romantisme se font entendre. Paradoxalement, ce noli me tangere, qui n’en est pas tout à fait un, est pour nous le plus convaincant des symboles : les expériences fondamentales n’ont-elles pas, toujours, pour caractéristique de relever de la conjecture ?

Le temps n’est pas si loin, où l’évocation aura plus à voir avec l’onirisme qu’avec la commémoration ou la célébration. En d’autres termes, les images triomphantes de la peinture d’histoire (biblique ou gréco-romaine) laissent désormais la place à l’idée que les jours de l’imaginaire de l’Ancien Régime sont maintenant comptés. Si Poussin affleure ici (on songe aux tons de son tableau L’hiver), Poussin dont on sait à quel point ses tableaux représentaient l’Antique, l’on devine que cette représentation-là, encore viable, est pourtant sur le point de changer de nature. Si le monde dans lequel se sont risqués Ismaël et sa mère est toujours peuplé de forces invisibles, il est remarquable de noter qu’Agar prend soin cependant de ne pas se retourner, en d’autres termes de maintenir la fiction de la présence immatérielle de l’Ange. C’est cette fiction que le Romantisme tentera de prolonger par le spectacle du songe ou les errements de la folie. Est-ce la raison pour laquelle Peyron a peint son Ange en retrait ?

Auteur : Pierre Fresnault-Deruelle

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

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