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Lamento

par Pierre Fresnault-Deruelle

Lamento
  • Titre de l'oeuvre: Pietà de Vileneuve-lès-avignon
  • Artiste: Enguerrand Quarton
  • Date: 1455
  • Type: Bois, panneau d’un retable
  • Dimension: 163 x 218 cm
  • Localisation: musée du Louvre - Paris
  • Crédit de l'image: ©RMN/ René Gabriel Ojéda

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

PAR LE MêME AUTEUR

Un ukiyo-é occidental

Cet inaudible cri qui nous assaille

Préséances

Le cubo-futurisme jazzy de Demuth

L’esprit des salons

L'embrasure fait le spectacle

Un balcon sur la mer

La cécité d’Holopherne

Contrepoint

Photographie peinte

Une vaste salle d’attente

Une impassabilité de façade

Le grand absent

Cette jambe qui dépasse

Un éloge en forme d’ "icone"

Le gandin mélancolique

La couleur du temps

La diagonale

L’instant qui conte

Pas la vue, la vision : l’entrevision même

La laideur n’est pas inéluctable

Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même

L'immobile intranquillité de Jésus

Bacchanales

La conjoncture, forme supérieure de la conjonction

L'oeil du diadème

Du physique au méta-physique

La Loire

La barque bien menée

La réinvention de Gradiva

Le bout du monde

L’ange, comme en retrait

Le spectacle est aussi dans la salle

D’impassibles machines

Le surréalisme souriant de René Rimbert

La pesanteur et la grâce

Chambre avec vue sur rien

Surprise

Abscisses et ordonnées

Le bout du monde

Le testament d'Orphée

Ligéria ou le lit du fleuve

Soleil noir

Algorithme

Basse tension

Un tableau vivant

2500 ans avant le cinéma

La lune décrochée

La pesanteur et la grâce

Une bien profane icône

Une carte postale avant la lettre

Austère et jubilatoire

Le noeud rose

Entre-deux

Le mille-têtes

Le livre qui tombe

L'étendue du désastre

Lamento

par Pierre Fresnault-Deruelle


Sur les genoux de Marie, le corps du Christ, effondré, est deux fois cassé. Une première fois par l’axe du visage qui forme un V avec celui du thorax, une seconde par la ligne du dos se brisant net à la taille. La raideur du bras ballant (à l’extrémité duquel les doigts se sont recroquevillés) fait système avec la diagonale inverse qui infléchit, sur la gauche, la tête de la Vierge : moment figé d’un couple de forces de part et d’autre duquel saint Jean et sainte Madeleine arc-boutent les courbes agoniques et antagoniques de leur silhouette. En cette construction suprêmement réglée, le jeu des tensions, innervant toute la surface de l’oeuvre, se trouve subsumé dans le geste de prière de Marie.

Joignant les mains au milieu du tableau, la mère de Dieu annule la terrible distance qui maintenait écartelés, sur la croix, les bras de Jésus. Symptomatiquement, cette peinture qui fait se raccorder le règne céleste des vérités intangibles au désordre du monde voué à la mort, veut être le lieu où la chute, portée à son maximum d’intensité, appelle la nécessaire contrepartie de la Résurrection. Image enluminée du malheur comme promesse de Réparation. Quasi incrustés sur le firmament, les personnages, qui surplombent le corps torturé du Fils de l’Homme (maintenu, avant même que d’être mis au tombeau, sous la ligne d’horizon), pleurent à jamais. Au vrai, assimilable en cela à une invocation, le tableau est le dispositif par lequel sont mis en regard deux ordres de réalité que tout sépare et que Marie, dans son essentielle verticalité, est seule capable de rassembler, c’est-à-dire, à la lettre, de symboliser. Aussi, la couleur du ciel est-elle également celle des cieux, et la Jérusalem (au fond, derrière saint Jean) se présente-t-elle, tout à la fois, terrestre et céleste. Dans ce théâtre de la douleur, que nul dolorisme, cependant, ne vient contaminer, mais où percent l’expressionnisme d’une époque traumatisée par les ravages de la peste, l’âpreté du traitement pictural, alliée à la plus sobre des gestuelles, modèle l’une des oeuvres majeures de la spiritualité médiévale.

Jean qui, à l’instar du donateur, présente un visage aux traits personnalisés, conserve malgré tout cet air d’absorption particulier aux visages gothiques (ses doigts posés sur les rayons de l’aura du Christ semblent jouer de quelque divin instrument) ; Madeleine qui sanglote dans un linge aussi savamment plissé qu’une étoffe de Zurbaràn se profile comme le font les figures de l’art des bois peints italiens ; plus nordique (peut-être à cause de la coiffe), la Vierge, qui doit beaucoup à la statuaire, imprime à l’ensemble peint une sévérité que le raffinement général de la facture, paradoxalement, n’entame pas. A gauche, enfin, c’est-à-dire à la droite de la divinité mais à un degré plus bas que l’ensemble sculptural de la Pietà, le donateur s’est fait portraiturer. IL est au groupe divin ce que Marie, ici, est au Père : un intercesseur. Le regard fixé vers un ailleurs qui ne peut être que la scène elle-même, l’orant nous signifie son peu de réalité (il est à la marge), comparé à la force silencieuse de cet incomparable lamento peint.

Isolé sur ce fond d’éternité légué par Byzance, la déploration qu’a peinte Quarton inscrit ses personnages dans un univers où le réalisme est la marque d’une pensée qui, quoique ouverte à la complexité des apparences, n’a pas encore rompu avec la simplicité des Primitifs.

Auteur : Pierre Fresnault-Deruelle

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

PAR LE MêME AUTEUR

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