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Contrepoint

par Pierre Fresnault-Deruelle

Contrepoint
  • Titre de l'oeuvre: Femme aux chapeaux
  • Artiste: Françoise Lambert
  • Crédit de l'image: ©Françoise Lambert

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

PAR LE MêME AUTEUR

Un ukiyo-é occidental

Cet inaudible cri qui nous assaille

Préséances

Le cubo-futurisme jazzy de Demuth

L’esprit des salons

L'embrasure fait le spectacle

Un balcon sur la mer

La cécité d’Holopherne

Lamento

Photographie peinte

Une vaste salle d’attente

Une impassabilité de façade

Le grand absent

Cette jambe qui dépasse

Un éloge en forme d’ "icone"

Le gandin mélancolique

La couleur du temps

La diagonale

L’instant qui conte

Pas la vue, la vision : l’entrevision même

La laideur n’est pas inéluctable

Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même

L'immobile intranquillité de Jésus

Bacchanales

La conjoncture, forme supérieure de la conjonction

L'oeil du diadème

Du physique au méta-physique

La Loire

La barque bien menée

La réinvention de Gradiva

Le bout du monde

L’ange, comme en retrait

Le spectacle est aussi dans la salle

D’impassibles machines

Le surréalisme souriant de René Rimbert

La pesanteur et la grâce

Chambre avec vue sur rien

Surprise

Abscisses et ordonnées

Le bout du monde

Le testament d'Orphée

Ligéria ou le lit du fleuve

Soleil noir

Algorithme

Basse tension

Un tableau vivant

2500 ans avant le cinéma

La lune décrochée

La pesanteur et la grâce

Une bien profane icône

Une carte postale avant la lettre

Austère et jubilatoire

Le noeud rose

Entre-deux

Le mille-têtes

Le livre qui tombe

L'étendue du désastre

Contrepoint

par Pierre Fresnault-Deruelle


Comme à portée de la main, des chapeaux de femmes, blancs, distribués sur des « perroquets » de circonstance (on se trouve dans quelque magasin ou sur quelque étalage de marché). Entre les perroquets, au fond, une femme en bleu, s’est coiffée d’un couvre-chef, trouvé là, en passant. L’environnement du personnage laisse entendre qu’il s’agit d’une possible acheteuse et que cette dernière en est au stade de l’essayage. Comme on sait, essayer c’est d’abord hésiter : innombrables à cet égard, sont les remarques – le plus souvent ironiques – portant sur les femmes en train d’acheter un vêtement. Le cliché photographique conforterait donc, drôlement, le cliché sociologique. Pour autant, la valeur de cette image n’est pas réductible à ce seul constat. Qu’on en juge.

Comme sur certains clichés de Cartier-Bresson, la scène représentée constitue une conjonction exemplaire dans la mesure où les composants de la photographie s’organisent en une « coïncidence supérieure », où ce qu’on appelle le Hasard aurait pris les allures de la Nécessité. Notre personnage a été saisie, en effet, au moment où son geste laisse voir le sac plastique qu’elle exhausse et qui porte le nom de la revue consumériste « Que choisir ? ». Comme si le sac-phylactère de la dame disait à « voix haute » ce qui est précisément en train de se tramer au deuxième plan.

Le rapport texte/image, dont notre photographe a fait le « cœur » – physique et sémantique – de sa prise de vue, fonctionne poétiquement et sémiotiquement :

Poétiquement, parce que le sac-phylactère joue le rôle d’un contrepoint. Si l’on se reporte, en effet, à la gamme de couleurs du cliché (blanc/bleu/rouge), on s’aperçoit que ledit sac, tenu par l’acheteuse, reprend très exactement les tons de la scène. Partant, qu’il est l’équivalent de la palette des peintres que ceux-ci représentent parfois sur certains autoportraits, palette qui condense, en quelques touches, le « programme chromatique » de leurs toiles.
Sémiotiquement, le logo « Que choisir ? », qui désigne et commente les gestes de la dame, se donne à lire comme malicieusement redondant. Faut-il voir, en l’occurrence, la « preuve » que le monde de tous les jours peut nous « doubler », capable qu’il serait de nous intégrer dans un dessein nous dépassant? Que choisir, quand on se veut discrète, mais qu’on porte, comme un drapeau, le chiffre indiscret de l’Hésitation ?

Le surréalisme n’est pas très loin, qui veut que le photographe soit un passeur d’un genre nouveau, susceptible de piéger dans sa camera obscura des rencontres ou des correspondances improbables ou incongrues. Cartier-Bresson (on l’a dit), mais aussi des artistes comme Ronis, Bischof, Friedlander, Brassaï, Doisneau, Kertesz, etc. ont, peu ou prou, traqué ces instants « décisifs » au cours desquels la réalité bat la fiction sur son propre terrain. Si le tout de la photographie (son « noème » diraient les philosophes) ne gît pas uniquement dans l’esprit des snapshots, il est difficile de nier, en revanche, que nous tenons, ici, l’une des manifestations majeures de sa raison d’être.

Du point de vue de l’iconographie, Françoise Lambert retrouve, avec bonheur, Edgar Degas dont on connaît les oeuvres relatives à cet exercice si féminin qui consista, pendant plus d’un siècle, à visiter les modistes dans leurs magasins. Femme aux chapeaux ne fait-il pas écho à toute une série de pastels crayonnés entre 1882 et 1886 par le grand artiste? La peinture de genre (dont Degas et les Nabis sont les derniers représentants) nous a appris depuis longtemps que les « au-delà » du décor sont déjà des théâtres. Lambert, à cet égard, continue, avec humour, sur la voie des grands devanciers d’avant la photographie : Femme aux chapeaux redonne toute sa fraîcheur au pittoresque domestique (le familier anecdotique) avant que celui-ci ne sombre dans la complaisance. Avec Femme aux chapeaux, quelque chose se dévoile, où le narratif et le plastique balancent harmonieusement sans que l’un ne l’emporte sur l’autre. D’où notre contentement.

Auteur : Pierre Fresnault-Deruelle

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

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