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Chambre avec vue sur rien

par Pierre Fresnault-Deruelle

Chambre avec vue sur rien
  • Titre de l'oeuvre: rip B, case 4
  • Artiste: Hergé
  • Date: 1963
  • Type: Bande dessiné - Tintin
  • Localisation: p. 15 dans le tome : "Les bijoux de la Castafiore“
  • Crédit de l'image: ©Hergé/Moulinsart 2011

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

PAR LE MêME AUTEUR

Un ukiyo-é occidental

Cet inaudible cri qui nous assaille

Préséances

Le cubo-futurisme jazzy de Demuth

L’esprit des salons

L'embrasure fait le spectacle

Un balcon sur la mer

La cécité d’Holopherne

Lamento

Contrepoint

Photographie peinte

Une vaste salle d’attente

Une impassabilité de façade

Le grand absent

Cette jambe qui dépasse

Un éloge en forme d’ "icone"

Le gandin mélancolique

La couleur du temps

La diagonale

L’instant qui conte

Pas la vue, la vision : l’entrevision même

La laideur n’est pas inéluctable

Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même

L'immobile intranquillité de Jésus

Bacchanales

La conjoncture, forme supérieure de la conjonction

L'oeil du diadème

Du physique au méta-physique

La Loire

La barque bien menée

La réinvention de Gradiva

Le bout du monde

L’ange, comme en retrait

Le spectacle est aussi dans la salle

D’impassibles machines

Le surréalisme souriant de René Rimbert

La pesanteur et la grâce

Surprise

Abscisses et ordonnées

Le bout du monde

Le testament d'Orphée

Ligéria ou le lit du fleuve

Soleil noir

Algorithme

Basse tension

Un tableau vivant

2500 ans avant le cinéma

La lune décrochée

La pesanteur et la grâce

Une bien profane icône

Une carte postale avant la lettre

Austère et jubilatoire

Le noeud rose

Entre-deux

Le mille-têtes

Le livre qui tombe

L'étendue du désastre

Chambre avec vue sur rien

par Pierre Fresnault-Deruelle


La case représente une fenêtre ouverte, illuminée, qui donne sur la nuit. Tintin regarde au dehors, c’est-à-dire en direction du parc d’où il semble que « nous » l’observions. Nous avons dit un mot de cette image dans Hergé ou le secret de l’image. Michel Serres, ensuite, la plaça en exergue de son beau texte au titre hilarant,« Les Bijoux distraits ou la Cantatrice sauve » . Voilà que cette case nous fait signe, encore.

Cette vignette, avons-nous dit ailleurs, parodie une case des 7 boules de cristal(p. 37, case 3) où, contrairement à ce qui se passe ici, Tintin avait la faculté de percer les ténèbres. Il est vrai que, dans cette vignette des Bijoux la nuit est d’encre, que troue un seul rectangle de lumière au centre duquel le héros découpe sa silhouette. Cette image à part tranche sur le tout venant pour des raisons qu’il n’est pas aisé de saisir. Essayons toutefois .

Au début du récit, Tintin va écouter les Tziganes qui, dans leur campement, font de la musique. L’esthétique traditionnelle des cases est soudain abandonnée. La ligne claire est n’est plus la ligne claire. L’ombre mord sur les tons pastels. Hergé s’est essayé – pour voir- à un autre style. Avec cette case représentant le héros à la fenêtre, il récidive et nous répète que sa facture classique n’est qu’une manière parmi d’autres possibles. À preuve, Le héros, vue de face mais éclairé par derrière, est pour une fois surligné de lumière.

Avec cette « hésitation » de Hergé, un effet de sens semble poindre : confronté à cette nuit opaque, Tintin, qui cherche à rassurer la tremblante diva, perd curieusement de sa superbe. Il n’est plus qu’une inflexion dans l’espace compact de la vignette et son autonomie graphique est à deux doigts de se perdre. Image limite de Tintin en réel danger de n’être plus que l’ombre de lui-même, ce qui, soit dit en passant, arrive, puisque le héros a perdu prise sur les évènements.

Hergé a placé cette case pour répondre à la question affolée de la Castafiore, persuadée d’avoir vu un monstre par la fenêtre. On se souvient que – toujours dans Les 7 boules de cristal – , sur un fond semblable et remontant des ténèbres, était apparu Rascar Capac ! Or, malicieusement le cartoonist récuse ce procédé sans être totalement explicite. L’obscurité n’est pas épaisse parce qu’elle favoriserait le mystère (ce que Hergé nous a souvent signifié) , mais parce que comme le dit Tintin : « il n’y a rien, Madame, absolument rien ! ». Cette image de Tintin à la fenêtre nous frappe également pour sa capacité à concentrer sur elle ce qui, a priori, échappe au récit dessiné : la précarité de la vie, la fugacité . Avec cette case, nous tenons une sorte de tableau.

On objectera que notre parti pris d’isoler les vignettes dénature ces dernières, et que voir soudain dans cette case quelque chose comme une « scène de la vie flottante », proche de la tradition des estampes japonaises, est une vue de l’esprit. Peut être. Nous continuons à penser, malgré tout, que cette case échappe au flux du récit à cause de sa structure même, qu’elle vaut d’abord pour son aspect, et accessoirement pour ce qu’elle signifie. Peu importe au fond sa fonction informative, puisque cette image n’a pas de débouché à proprement parler. Cette vignette est intransitive Ne surnage que l’« ainsi » suspendu d’une situation banale, dont un maître japonais eût peut être fait un haïku.

Auteur : Pierre Fresnault-Deruelle

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

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