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Un ukiyo-é occidental

par Pierre Fresnault-Deruelle

Un ukiyo-é occidental
  • Artiste: Edgar Degas
  • Titre de l'oeuvre: Femme à la terrasse d'un café
  • Date: 1877
  • Type: pastel
  • Dimension: 41 x 60 cm
  • Localisation: musée d'Orsay – Paris
  • Crédit de l'image: ©photo musée d'Orsay / rmn

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

PAR LE MêME AUTEUR

Cet inaudible cri qui nous assaille

Préséances

Le cubo-futurisme jazzy de Demuth

L’esprit des salons

L'embrasure fait le spectacle

Un balcon sur la mer

La cécité d’Holopherne

Lamento

Contrepoint

Photographie peinte

Une vaste salle d’attente

Une impassabilité de façade

Le grand absent

Cette jambe qui dépasse

Un éloge en forme d’ "icone"

Le gandin mélancolique

La couleur du temps

La diagonale

L’instant qui conte

Pas la vue, la vision : l’entrevision même

La laideur n’est pas inéluctable

Le mur ou la peinture séparée d’avec elle-même

L'immobile intranquillité de Jésus

Bacchanales

La conjoncture, forme supérieure de la conjonction

L'oeil du diadème

Du physique au méta-physique

La Loire

La barque bien menée

La réinvention de Gradiva

Le bout du monde

L’ange, comme en retrait

Le spectacle est aussi dans la salle

D’impassibles machines

Le surréalisme souriant de René Rimbert

La pesanteur et la grâce

Chambre avec vue sur rien

Surprise

Abscisses et ordonnées

Le bout du monde

Le testament d'Orphée

Ligéria ou le lit du fleuve

Soleil noir

Algorithme

Basse tension

Un tableau vivant

2500 ans avant le cinéma

La lune décrochée

La pesanteur et la grâce

Une bien profane icône

Une carte postale avant la lettre

Austère et jubilatoire

Le noeud rose

Entre-deux

Le mille-têtes

Le livre qui tombe

L'étendue du désastre

Un ukiyo-é occidental

par Pierre Fresnault-Deruelle


Nous sommes loin de ce qu’on pourrait appeler le japonisme de complaisance; mais c’est pourtant l’économie graphique d’un Kionaga, d’un Harunobu ou d’un Hiroshige qui -réinventée- fait de ce monotype un ukiyo-é occidental exemplaire. Certes, l’aspect lisse des images nipponnes ne se retrouve pas ici. La délinéation nette des formes contenant des aplats chromatiques homogènes n’est pas de mise chez Degas. Il n’en demeure pas moins que le sujet et son traitement font de cette oeuvre une image où la marque du Japon se révèle au mieux. Cette scène du « monde flottant », transposée sous nos climats, opère, grâce au cadrage très serré, une coupe franche au sein d’un réel dont nous cherchons à reconstituer les tenants et les aboutissants. Il est difficile d’interpréter, par exemple, le geste de la femme en bleu (à noter qu’un instantané photographique eut été encore plus énigmatique). Bref, à l’intelligibilité de la scène classique s’est substitué un théâtre d’indices où domine la conjecture ; particularité qui fera qu’à cette époque on parlera d’une « esthétique de l’instant quelconque ». Gestes, attitudes, physionomies balisent, de fait, un espace dont le caractère inabouti fait de nous des témoins d’autant plus attentifs que nous manquons de repères (le titre est là qui vient cependant nous conforter, mais sans plus). Le cadrage (et non l’encadrement) augmente cet effet de manque, voire de manquement qu’induit une telle oeuvre. Contrairement à l’espace centripète des toiles des époques précédentes, qui ordonne hiérarchiquement la composition à partir d’un centre autour duquel s’articulent des éléments périphériques (anecdotes secondes, échappées, natures mortes, etc.), l’oeuvre en question est en quelque manière centrifuge : représentation d’une sorte de sas (le café est un « non-lieu ») où le cloisonnement métaphorise l’absence de liens sociaux forts. Ces filles, entre deux clients, ont-elles d’ailleurs d’autre loisir que de manifester l’état d’abandon qui est le leur?

Les japonais articulaient de micro-espaces à l’intérieur de leurs scènes. Toutes choses égales, avec Femmes à la terrasse d’un café, Degas va plus loin, qui fracture la scène occidentale, forçant ses personnages à se distribuer par rapport aux trois piliers du décor dont la présence perturbe les normes reçues de la composition. Sans ces piliers, cependant, nous n’aurions qu’un vague groupe de filles ; mais, à cause de (ou grâce à) ces intempestives barres verticales (qui reviennent souvent chez l’artiste) nous est donnée une réunion dans son éclatement même. Resserrement à gauche (confidence), relâchement à droite (la distance entre les corps est plus grande). Pourtant -relativement à ce dernier point- le dossier de chaise de la deuxième fille fait malgré tout partie de la « scène principale », si bien que l’éclatement de l’ensemble est contrebalancé par tout un jeu de courbes et de contre-courbes dont l’effet de frise vient amoindrir le manque de cohésion du groupe. En réaliste qu’il est, Degas cherche ce moyen terme par lequel se négocie l’équilibre entre un certain ordre plastique et les phénomènes « mondains » essentiellement transitoires.

Derrière, en grisaille, la rue et ses ombres, constituent un véritable fond. Quasi-décor dont les diagonales descendantes nous indiquent qu’il s’agit d’un espace second, autrement dit d’une réserve de récit. Sur ce fond monotone (gris/brun), les quelques taches de couleur éparpillées dans la toile ont été reprises avec humour dans le bouquet du chapeau de la « breda », à droite.

Auteur : Pierre Fresnault-Deruelle

BIOGRAPHIE

Pierre Fresnault-Deruelle est ex-Professeur à Paris 1 (sémiologie de l’image). Il est  désormais membre coopté  du groupe INTRU (Interactions, transferts, ruptures  artistiques et culturels) de l’Université François –Rabelais de Tours.  Il a  fondé le MUCRI en 1999, écrit une vingtaine de livres, dont L’éloquence des images, PUF, 1993,  Intelligence des affiches,  Editions Pyramyd, 2011, Hergéologie, Presses universitaires François-Rabelais,  2013. Il prépare une livre sur Edgar-Pierre jacobs et un autre sur l’iconographie politique.

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