Your browser does not support JavaScript!
Logo Mucri
↑
Faire une recherche dans le site Mucri
Logo Mucri
  • Accueil
  • À propos
  • Contribuer

La porte

par Jean Arrouye

La porte
  • Titre de l'oeuvre: Anse du Pégoulier
  • Artiste: Bernard Lesaing
  • Date: 2001
  • Type: photographie
  • Localisation: Port-Saint-Louis-du-Rhône
  • Crédit de l'image: © Bernard Lesaing

BIOGRAPHIE

Biographie à venir

PAR LE MêME AUTEUR

Le sablier

Retour de Cythère

Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa

Un manifeste de la modernité

Un retable très rhétorique

De nulle part

Intérieur de manoir

Une allégorie réaliste

Edward Steichen

Bord de Seine

Le crystal Palace

Rue à Rome

"Le docteur Péan opérant à l'hôpital Saint-Louis"

Un bouquet

Paysage anti-orientaliste

Un enchantement chromatique

L'échiquier de la vie

La chapelle des capucins

À voir et entendre

Photo de famille

La musique de Cézanne

Le dessin et la couleur ne sont pas distincts

Le ruisseau ironique

Violences imaginaires

Un volcan de rêve

Parodie

Donner à voir le silence

Eruption du Vésuve

La porte

par Jean Arrouye


Bernard Lesaing est un photographe engagé dans la quête de la vérité des hommes et des paysages et de la relation des uns avec les autres. Cette curiosité quasi-sociologique ne l’empêche pas de faire des photographies originales, marquées du sceau de sa personnalité, témoignant d’un regard attentif à la qualité propre des êtres et des choses, mais aussi à la singularité de certaines situations qui sollicitent son sens de l’humour.

Cette qualité de regard se constate dans la photographie montrant un modeste appontement fait de deux planches juxtaposées s’avançant d’à peine deux mètres sur l’eau et qui se termine étrangement par une porte. Porte de quoi ? Porte pour quoi ? Porte de la mer, sublimement inutile puisque la mer est partout à l’environ immédiatement accessible ? Porte de l’au-delà, comme dans le tableau de Magritte, Portrait de Germaine Nellens, qu’on peut alors imaginer admirablement efficace, permettant à ceux qui passeraient par elle d’être assurés de parvenir à l’île de Cythère ou d’arriver à l’Eldorado ? Porte de rien, inouvrable, accordée à ce paysage de terre stérile et d’eau confinée, où, à peine embarqué, on se trouve devant une autre terre de même nature ? Porte d’harmonie qui apporte à ce paysage tout horizontal, sur lequel le regard autrement glisserait malgré les brèves verticales de piquets plantés dans l’eau, la verticale majeure nécessaire à son équilibre et à l’arrêt du regard ?

S’il en est ainsi, c’est au photographe qu’on le doit, qui, par le cadrage et l’angle de prise de vue qu’il a élus, a fait que la porte semble prolonger sur le plan de l’image l’appontement et qu’elle est l’axe médian du paysage et son principe unificateur, joignant les deux rives du plan d’eau et liant la terre au ciel. C’est aussi l’angle de prise de vue (sa frontalité voulue) qui a créé cette porte absurde, c’est-à-dire suscité l’illusion momentanée qu’elle ne répond à aucune nécessité pratique. Mais, à mieux y regarder, on découvre sur sa droite un mince liseré clair surmonté d’un petit rectangle noir oblique qui font comprendre que la porte est celle d’un édicule construit au bout de l’appontement et, si l’on a quelque connaissance des anciens usages locaux, on y reconnaîtra alors un des derniers exemples de cagadou, cabinet en plein air, c’est le cas de le dire étant donné sa situation surélevée, qui permettait de remettre directement en circulation dans la nature les déchets de la digestion humaine.

Dès lors la porte cesse d’être étrange et de solliciter l’imaginaire fantas(ma)tiquement. Cependant un autre élément insolite retient l’attention. Un câble fixé sur le côté droit de l’édicule l’arrime à un piquet planté dans l’eau, apparemment pour en assurer la stabilité. Mais cela peut-il suffire à le maintenir en équilibre ? On s’attendrait à ce qu’il y ait un câble symétrique à gauche. Serait-ce donc que l’édicule ne risque de basculer que sur la gauche ? Pourquoi donc ? Si c’était parce que les piquets soutenant l’appontement de ce côté-là sont fragiles, pourquoi ne pas les avoir remplacés ? La seule explication rationnelle est que le vent souffle ordinairement de droite et que le câble a pour but de contrecarrer sa poussée quand il est par trop fort.

Du coup cette construction incongrue cesse d’être l’objet principal de notre attention. On reconsidère l’espace environnant, si tranquille pour l’instant ; on l’imagine balayé par le vent, la surface des eaux couverte de vagues couronnées d’embruns, le ciel parcouru de nuages pressés. D’ailleurs déjà deux nuées sombres, annonciatrices d’orages possibles, y paraissent.

L’intérêt de la photographie ne réside plus alors dans l’enregistrement de l’existence d’un objet curieux. Il vient de la façon dont elle fait percevoir l’étendue, saisir l’espace, comprendre la vie des éléments. Ce paysage de terre et d’eau plates est l’aire de jeu du vent et le lieu d’une conciliation entre les forces de la nature et la présence humaine.

Ainsi court le sens dans cette image, de l’anecdotique à l’intelligence du paysage, de l’insolite à la compréhension des usages et des mœurs de ceux qui le pratiquent.

Auteur : Jean Arrouye

BIOGRAPHIE

Biographie à venir

PAR LE MêME AUTEUR

Le sablier

Retour de Cythère

Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa

Un manifeste de la modernité

Un retable très rhétorique

De nulle part

Intérieur de manoir

Une allégorie réaliste

Edward Steichen

Bord de Seine

Le crystal Palace

Rue à Rome

"Le docteur Péan opérant à l'hôpital Saint-Louis"

Un bouquet

Paysage anti-orientaliste

Un enchantement chromatique

L'échiquier de la vie

La chapelle des capucins

À voir et entendre

Photo de famille

La musique de Cézanne

Le dessin et la couleur ne sont pas distincts

Le ruisseau ironique

Violences imaginaires

Un volcan de rêve

Parodie

Donner à voir le silence

Eruption du Vésuve

ARTICLES CONNEXES

Aller retour

Vertiges de l’abîme

L’esprit du pinceau

L’étendue du désastre

Le livre qui tombe

Le mille-têtes

Entre-deux

Le noeud rose

Austère et jubilatoire

Une carte postale avant la lettre

Une bien profane icône

La pesanteur et la grâce

La lune décrochée

2500 ans avant le cinéma

Un tableau vivant

Basse tension

Algorithme

Soleil noir

Ligéria ou le lit du fleuve

Le testament d’Orphée

MUCRI

Université Paris 1, UFR 04,
53 rue des Bergers,
75015 Paris
Plan du site

  • Plan du site
  • Mentions légales
  • Crédits
  • Univ. Paris 1
  • MMI