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Un martyr érotique

par Peter Cook

Un martyr érotique
  • Titre de l'oeuvre: Andromède attaché au rocher par les Néréides
  • Artiste: Théodore Chassereau
  • Date: 1840
  • Type: Huile sur toile
  • Dimension: 92 x 74 cm
  • Localisation: Musée du Louvre - Paris
  • Crédit de l'image: ©Musée du Louvre/A. Dequier - M. Bard

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Un martyr érotique

par Peter Cook


Avec cette petite toile, Théodore Chassériau, l’élève le plus brillant d’Ingres, essaie de rompre avec l’esthétique de son maître, qu’il critique, dans une lettre du 9 septembre 1840, pour son incompréhension « des idées et des changements qui se sont faits dans les arts à notre époque ».

Or, malgré les efforts du jeune peintre pour embrasser l’esthétique romantique, son Andromède reste profondément empreinte des leçons du maître de Montauban. Mais, dans la toile de Chassériau, le nu ingresque, soumis au supplice, est dérangé de son immobilité tranquille, tordu par l’angoisse. À cet égard, la comparaison avec le Roger et Angélique d’Ingres (1819, musée du Louvre) est instructive. Enchaînée au rocher, comme Andromède, l’Angélique d’Ingres est une forme molle et passive, un corps souple mais inerte, doté de l’immobilité d’un objet sans âme. L’Andromède de Chassériau, en revanche, sans offrir de résistance contre son supplice, est un être tourmenté, doté d’une âme qui vibre et qui souffre. En cela, elle présente un exemple singulier de l’accent que le romantisme fait porter sur la vie affective, en opposition avec le beau idéal, « la grandeur tranquille et la noble simplicité » du néoclassicisme. Or, la torsion angoissée d’Andromède contraste avec la tranquillité des Néréides absorbées dans la tâche de l’enchaîner au rocher, où elle devrait attendre le monstre marin. Ce contraste ne fait que souligner l’angoisse de la physionomie contractée, larmoyante, de la victime, tout en ajoutant à la dimension sadique de l’œuvre. Chassériau a érotisé dans son tableau mythologique le sadisme des œuvres de martyre qui abondent dans l’iconographie chrétienne. Le mélange de beauté ingresque et d’émotivité romantique fait d’Andromède une œuvre étrange, hybride, qui trahit l’embarras de l’élève d’Ingres, aspirant à la chaleur dramatique de Delacroix sans abandonner les formes sculpturales du maître. L’horreur dramatique de la scène est en quelque sorte annulée par l’esthétisme des nus maniérés et du coloris précieux.

Ce n’est que plus tard, dans des œuvres comme Le Spectre de Banquo (1854, musée des Beaux-Arts, Reims) et Macbeth et les sorcières (1855, musée d’Orsay, Paris) que, largement dégagé enfin du style ingresque, Chassériau parviendra à créer une forme convaincante de romantisme. Une facture plus coloriste, moins sculpturale, donnera à ses œuvres davantage de dynamisme et une atmosphère plus appropriée au sujet. Il n’en reste pas moins que son Andromède est une œuvre fort séduisante dans ses contradictions et dans sa perversité mêmes.

Auteur : Peter Cook

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