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Des personnages qui font tapisserie

par Pierre Fresnault Deruelle

Des personnages qui font tapisserie
  • Titre de l'oeuvre: Apollon révélant sa divinité à la bergère Issé
  • Artiste: François Boucher
  • Date: 1750
  • Type: Huile sur toile
  • Dimension: 129 x 157 cm
  • Localisation: Musée des Beaux-Arts - Tours
  • Crédit de l'image: ©RMN-Grand Palais / Agence Bulloz

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Le sensualisme aseptisé d’un naïf

Des personnages qui font tapisserie

par Pierre Fresnault Deruelle


Ovide nous conte qu’Arachné, se déclarant supérieure à Pallas dans l’art du tissage, engage une lutte avec cette dernière. Pallas produit une étoffe représentant les métamorphoses par lesquelles certains dieux ont puni leurs rivaux ; Arachné, pour sa part, se donne un tout autre programme puisque son travail montre les habitants d l’Olympe se déguisant pour satisfaire leur insatiable concupiscence… Il est en particulier question du stratagème inventé par Phébus qui, sous les traits d’un berger, séduit Issé, fille de Macarée  .

Avec Apollon révélant sa divinité à la bergère Issé, François Boucher, relaie donc Ovide, mais s’octroie la licence d’aller un cran plus loin dans le déroulement du récit. Ajoutant à la Fable, l’artiste a pris, en effet, le parti de peindre cette autre métamorphose -la séduction ayant déjà opéré- par laquelle Apollon recouvre son apparence première. Issé en est toute ébaubie.

La topographie de ce lieu peint, essentiellement ductile, frappe par sa complexité. En constante transformation, les formes ne se densifient, dirait-on, qu’à seule fin de se désagréger sitôt leur plénitude atteinte. Ainsi, le char d’Apollon émerge-t-il d’une nuée dont le bord externe (à gauche) épouse la voute céleste, vite reconfigurée, quant à elle, en frondaison. Ainsi, encore, le rocher contre lequel Issé étend son bras et Phébus plaque sa jambe n’est-il que que la zone affermie d’une matière indéfiniment remodelée. D’une façon générale -le groupe des naïades excepté- le tableau baigne dans une nébulosité tout autant propice à la confusion des substances qu’à la neutralisation de leurs densités respectives. De sorte que cesse de prévaloir la loi de la pesanteur : les chevaux gris-bleux de l’attelage -proches de l’esquisse, il est vrai- pèsent moins lourd que la robe de la bergère au plissé sculptural. L’esthétique rococo, dont on a pu dire qu’elle repose sur un principe d’atectonie.

) s’expose ici, qui veut que s’amortissent les tensions par trop exacerbées de la peinture baroque. Apollon révélant sa divinité à la bergère Issé est le spectacle d’un apaisement (ou d’une résolution), non la scénographie d’une crise (ou d’un comble). Les amours, par exemple, ont beau dévaler le long du tronc d’arbre, à gauche ; ils se livrent à leurs exercices pour autant qu’un certain engourdissement en retarde l’accomplissement. D’où l’atmosphère « ouatée » – et, pour cette raison, quelque peu mièvre – dans laquelle s’enveloppe cet épisode de la Fable.

Le jeu incessant des transitions, par quoi les contiguités tour à tour s’appellent et s’exaspèrent, caractérise au premier chef ce tableau. En un style rocaille exemplaire, gouverné par le désir de s’émanciper des prescriptions du modèle renaissant, Boucher peint un monde dont le principe d’organisation, repose sur l’économie du pli, du dépli et du retroussement : la grotte d’où sortent les moutons d’Issé ou le sous-bois d’où procèdent les nymphes, sont l’envers de L’Empyrée qui, par son endroit, se répand sur la terre. Et la bergère qui cherche à vérifier, les yeux écarquillés, qu’elle ne rêve pas, de tendre sa main pour effleurer (du pouce) le linge du Phébus. »Instant prégnant » qui annonce que la flêche d’Eros (brandie par le petit génie caché dans l’ombre du dieu) va frapper Issé au cœur .

Nichées au premier plan, deux naïades enlacées contemplent la scène . De l’urne renversée, maintenue par devers elles (et signifiant qu’elles sont des deïtés-fleuve), s’écoule une eau dont le flux trace manifestement le dessin d’une frontière. Si l’on admet que cette dernière se referme avec l’arrondi céleste qui coiffe l’arrivée de l’équipage solaire, s’impose alors la forme d’une représentation quasi autonome, c’est-à-dire en « abyme » : celle-là même que contemplent les naïades. Mais, en dernier ressort, cette vision trouve sa véritable raison d’être dans la présence de l’urne qu’on a dite. Car c’est bien de cette source que sort l’eau subtile où prend corps cette charmante apparition.

A s’en tenir là, cependant, nous négligerions le fait que les naïades, elles aussi, participent, de ce monde second ou les dieux se font hommes pour séduire les mortelles. Lovées  au creux d’une superbe arabesque qui les introduit en douceur dans le circuit de la composition, les nymphes réenclenchent le cycle de la lecture.

Auteur : Pierre Fresnault Deruelle

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