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Un peintre dans le boudoir

par Bénédicte Ramade

Un peintre dans le boudoir
  • Titre de l'oeuvre: L'odalisque brune
  • Artiste: François Boucher
  • Date: 1743 - 1745
  • Type: Huile sur toile
  • Dimension: 53,5 x 63,5 cm
  • Localisation: Musée du Louvre - Paris
  • Crédit de l'image: ©RMN/D. Arnaudet

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Un peintre dans le boudoir

par Bénédicte Ramade


L’odalisque brune? Une odalisque d’opérette alors, car rien ne vient témoigner dans ce sulfureux tableau de Boucher la réalité d’un sérail luxueux, tout au plus évoqué par un goût prononcé pour les objets orientaux (dont on savait le peintre friand) comme le paravent chinois et la cassolette débordant de bijoux.

Quelques plumes dans les cheveux ne suffisent pas à transformer une jeune femme en courtisane de harem mais il fallait bien justifier cette position audacieuse et répondre au parfum de scandale qui flottait autour de cette toile. Un scandale teinté de succès si l’on considère le nombre de reproduction gravées et de copies qui circulèrent dans Paris à l’époque. La tradition du nu couché fut bouleversée par cette mise en scène au désordre bien suggestif. Boucher a insisté sur un entre-deux tellement plus évocateur ; la couche à moitié défaite, le modèle à moitié dévêtu, le corps à moitié allongé, les jambes à demi repliées, tous ces éléments appuient une composition fondée sur les deux diagonales du tableau. Deux lignes constructrices dont l’intersection -le centre géométrique du tableau- se trouve délicatement incarnée par les fesses de l’inconnue. Retourner le corps faisait déjà frémir de sensualité, mais la construction plastique n’en est donc pas moins osée. Inscrite dans la filiation du Titien qui avait déjà placé le sexe (pudiquement voilé de la main) de sa Vénus d’Urbin sur l’axe vertical médian de son tableau, l’Odalisque de Boucher s’impose également par son regard tourné vers le spectateur. Moins direct que celui de son aînée vénitienne, le regard parisien incarne (sans la mièvrerie dont on entache souvent les oeuvres de Boucher) le plaisir de chair.

Daté de 1743, cette peinture s’inscrit dans une époque préoccupée par les relations humaines : en 1730, Marivaux publie Les jeux de l’amour et du hasard et Claude Prosper, plus connu sous le nom de Crébillon, écrit six ans plus tard Les égarements du coeur et de l’esprit qui lui vaudront une condamnation royale. Le Sopha, qu’il écrivit en 1742, aurait fait un merveilleux titre pour le tableau de Boucher à qui La philosophie dans le boudoir n’aurait certainement pas disconvenu. Mais ce serait faire du peintre lui-même un coquin que l’on soupçonne d’ailleurs d’avoir fait de sa femme son Odalisque Brune. Car le mystère dont la toile est nimbée tient, à l’instar de la Vénus d’Urbin, à l’identité de cette nudité effrontée et pleinement assumée.

Depuis la réalisation du tableau, les suggestions affluent, de Madame de Pompadour à Mademoiselle de Saint-Gatien, dans l’espoir de savoir à qui appartient ce séant potelé. Pendant longtemps, les historiens ont donné raison à Casanova, déclarant avoir reconnu une de ses maîtresses, Mademoiselle O’Murphy, dans le tableau de Boucher qu’il décrit ainsi dans ses mémoires : « L’habile artiste avait dessiné ses jambes et ses cuisses de façon que l’oeil ne pouvait pas désirer de voir davantage. J’y ai fait écrire dessous : O-Morphi, mot qui n’est pas homérique, mais qui n’est pas moins grec. Il signifie Belle. » Aujourd’hui entre la version brune du Louvre et la blondeur nubile de sa variation munichoise 1, on s’accorde sur une autre identification. La seconde, allongée elle aussi sur le ventre (sa position étant toutefois plus horizontale) et le visage vu de profil, serait une synthèse des goûts du roi Louis XV pour les très jeunes vierges, tandis que la première serait une courtisane réputée. Cela expliquerait alors le nombre de copies, de gravures et de miniatures réalisées presque immédiatement après la réalisation du tableau, la belle ayant eu beaucoup de clients !

Le portrait qu’on a cru y reconnaître, est d’ailleurs pour le moins générique, laissant plutôt le souvenir d’une rencontre de boudoir que celle d’une réelle personnalité. D’une pose classique de naïade et de nymphe au bain, Boucher réussit, avec le talent qui en a fait l’un des peintres les plus talentueux du XVIIIeme siècle, à exprimer un potentiel de sensualité dont les deux versions font encore preuve avec une efficacité redoutable.

Auteur : Bénédicte Ramade

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